Après avoir vu un film de Shunji Iwai l'autre jour ("The case of Hana and Alice", 2004) et avoir fait quelques recherches sur le net, j'ai été assez étonné que ce cinéaste japonais qui tourne depuis une vingtaine d'années ne soit pas du tout diffusé en France (à part son dernier film de 2015 qui est un dessin-animé reprenant les personnages du film évoqué ci-dessus).
En effet, il m'a semblé qu'il y avait pas mal de choses intéressantes dans ce film, même s'il est beaucoup trop long, le portrait d'ensemble de quelques ados japonais est remarquable car jouant sans arrêt entre vérité et mensonge, imagination et réalité, et sur une transmission d'éléments de la personnalité d'un personnage sur un autre personnage (Le film me fait penser à une sorte de film de Greg Araki version kawai, si l'on veut). La dynamique du film, son montage, parviennent vraiment bien à rendre compte de manière assez fine et discrète de tout cela, de ces transferts incessants qui passent de manière souterraine des uns aux autres, et qui sont propres à l'adolescence.
Bon, je m'attendais donc à apprécier ses films précédents, mais malheureusement j'ai eu beaucoup de mal à regarder jusqu'au bout Swallowtail and Butterfly (1996), qui est une sorte de bric-à-brac indigeste (scénario) et complètement mal foutu (mise-en-scène). Là encore j'ai trouvé vraiment le temps long (2h30). Le film me fait un peu penser aux premiers films de Lou Ye comme "Suzhou River", ça part un peu dans tous les sens, du film de genre (yakuza) au récit intimiste (le parcours initiatique d'une jeune fille adoptée par une prostituée), beaucoup d'énergie et de volonté de bien faire mais très mal canalisées sur le plan artistique et du coup le résultat est juste indigeste.
L'idée était belle de faire un film sur les immigrés laissés pour compte qui vivent en marge des grandes villes japonaises, qui sont venus eux ou leurs parents pour gagner de l'argent et qui se sont retrouvés livrés à eux-mêmes dans ces zones abandonnées. Le premier plan du générique était aussi prometteur, ce mouvement de caméra vers le haut qui filme longuement les mauvaises herbes qui poussent de manière anarchique dans le sol des no man's land entourant les villes. La suite est une illustration grossière (car trop naïve) de ce premier plan au niveau des individus à coup de caméra brouillonne qui bouge dans tous les sens, de longueur inacceptable de certaines scène (les chansons des concerts), d'acteurs souvent en roue libre, de cadre irréel et factice qui donne plus, avec les personnages, l'impression d'être dans un monde de manga imaginaire que dans la réalité (ce qui est quand même assez gênant étant donné le sujet du film)... Problème politique classique : La fiction proposée à ce groupe d'individus exclus aurait peut-être pu prendre si le cinéaste ne les isolait pas lui-aussi complètement du reste de la société, en en faisait finalement également une entité à part et sans véritable dehors.